Août 2016
Un tribunal d’Istanbul a interdit de manière provisoire, mardi 16 août 2016, la parution du quotidien de gauche pro-kurde Ozgür Gündem. Ce dernier est accusé de propagande en faveur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte armée contre l’Etat turc, et de soutenir ainsi la rébellion.
Juste avant que l’interdiction soit officiellement émise, la police turque a envahi le siège du journal dans le quartier de Beyoglu, et procédé à de nombreuses interpellations. Plus d’une vingtaine de journalistes ont été arrêtés – parmi eux, le dessinateur de presse Dogan Güzel. Symbole de cette nouvelle purge dans les médias, une photo de ce dernier avec le t-shirt déchiré, en train d’être emmené par les forces de l’ordre, a notamment circulé sur les réseaux sociaux.
Diffusé à environ 7500 exemplaires papier par jour, Ozgür Gündem propose de nombreux articles à propos du conflit kurde qui sévit dans le sud-est de la Turquie. Le journal a fait face à des dizaines d’enquêtes, amendes, arrestations de ses correspondants depuis 2014. Güzel y est un collaborateur régulier ; il publie notamment des cartoons mettant en scène son personnage satirique Qirix.
Condamné à 17 ans de prison pour avoir publié des dessins critiques du régime, Dogan Güzel est resté enfermé 18 mois avant d’être amnistié en 1999. C’est à cette époque qu’il reçoit le premier prix « Courage in Political Cartooning » de Cartooning Rights Network International (CRNI), et déménage à Séville. Il y obtient l’asile politique puis la nationalité, et partage aujourd’hui sa vie entre Istanbul et l’Espagne.
Suite à son arrestation, une campagne spontanée de soutien à Dogan Güzel, symbole de la répression qui fait rage en Turquie, s’est mise en place sur les réseaux sociaux. Des dessinateurs du monde entier, dont plusieurs membres du réseau Cartooning for Peace, mobilisent leurs crayons afin de demander la libération de leur confrère et des journalistes arrêtés avec lui.
Le dessinateur Dogan Güzel fait parti des 22 journalistes relâchés vendredi dernier par les autorités turques. Dans une interview donné au journaliste Manuel Martorell, il raconte l’interpellation, très musclée, menée par les policiers. Ces derniers auraient fait preuve de beaucoup de violence et n’auraient pas hésité à insulter les journalistes, frappés et poussés brutalement dans les escaliers: « Arméniens, Juifs, enfants de Lénine : vous allez comprendre ce que cela veut dire quand on parle de la force de l’Etat turc ». Bien que libres, ils font face à des charges d’accusation telles que « résistance », « insultes », et « violences ».
